En plus d’apprendre à questionner nos représentations, de façon à les rendre conformes au dogme imposé (pardon, au paradigme proposé) par l’équipe, au nom du sacro-saint référentiel de formation (après une subtile exégèse menée par les formateurs au cours de réunions de concertation que j’imagine épiques), à l’IFSI, on apprend aussi à différencier les actes qui relèvent de notre rôle propre de ceux qui relèvent de notre rôle prescrit, et qui sont définis dans le Code de la Santé Publique.
Le rôle prescrit
Pour faire simple, c’est l’application de la prescription médicale : distribuer des cachetons, faire des piqûres, nettoyer des plaies, changer des pansements.
C’est la partie du métier qui est effectivement reconnue par la société puisque ce sont les actes qui donnent lieu à une facturation au titre de la Tarification à l’Activité (la T2A, contre laquelle il est de bon ton de râler dans les milieux autorisés, à condition de ne pas envisager d’alternative : « on ne va pas refaire le monde » comme disent mes camarades étudiants).
Paradoxalement car, au corps défendant de « la profession », ne sont finalement reconnus que les actes que l’infirmier effectue en tant que simple exécutant au service du médecin…
D’autant qu’il y a un catch : la responsabilité juridique… Si le médecin a fait une erreur dans la prescription (dosage, médicament, etc.) et que l’IDE ne s’en rend pas compte, et applique ladite prescription, il est susceptible, selon la gravité des conséquences pour le patient, d’être traduit en justice, jusqu’au pénal. Ainsi, ce qui passe pour une reconnaissance, un acquis social aux yeux de la plupart des professionnels est en fait une balle dans le pied : cela déresponsabilise les médecins tout en faisant flotter une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes…
Entendons-nous bien : cela ne veut pas dire qu’on distribue les cachetons par-dessus la jambe ! Mais devoir partager la responsabilité d’une erreur du médecin, sans un minimum de reconnaissance salariale et statutaire, c’est un peu abusé…
Le rôle propre
C’est tout le reste ! Tout ce qui s’intéresse à la personne du patient, à sa prise en soins globale, qui contribue à son recentrage sur lui-même et à sa protection :
- l’observation (que je préfère aux termes de surveillance ou d’évaluation, qui relèvent du management ou de la prison) des constantes, des résultats d’examens (notamment biologiques), des effets des thérapeutiques, de l’humeur, de la douleur, des besoins et ressources du patient
- les soins de nursing et de confort, à commencer par la toilette qui est, à mon avis, le fondement du soin. Ces actes sont cotés (T2A) et donc reconnus. L’organisation des services impose que ces soins soient souvent délégués aux aide-soignantes, ce qui fait d’elles, par leur maîtrise de ces gestes à la fois si simples et si complexes, les maillons essentiels du système de santé
- la conversation, du moins sous des formes codifiées : « entretien d’accueil », « entretien d’aide », « entretien motivationnel », le tout s’inscrivant dans une « démarche relationnelle » répondant à des objectifs (qui consistent généralement, quoi qu’on en dise, à amener le patient à faire des trucs qu’il n’aurait pas forcément envie de faire, parce qu’il a des comportements pas tout à fait normaux, donc déviants, donc pathologiques…)